Les
Žchos du jeudi 23 juin 2011.
Les
partenariats public-privŽ n'ont pas tenu toutes leurs promesses.
Alors que
les Žquipes de Bouygues savourent encore les bulles de la
victoire
du futur ministre de la DŽfense ˆ Balard, celles d'Eiffage
s'apprtent
ˆ gožter l'amertume de l'Žchec. Ç En 2010, nous Žtions le
fleuron,
en 2011, nous sommes un boulet È,constate un proche d'Alain
Verret,
le directeur du Centre hospitalier rŽgional Sud Francilien
(CHRSF)
d'Evry-Courcouronnes, dans l'Essonne. LivrŽ le 17 janvier,
l'Žtablissement
de 1.000 lits, le plus gros construit en France en
partenariat
public-privŽ (PPP), aurait dž commencer ˆ fonctionner
quatre
mois plus tard. Le dŽmŽnagement comme l'accueil des premiers
patients
n'auront sans doute pas lieu avant la fin de l'automne.
Pannes
d'ŽlectricitŽ, groupe Žlectrogne dŽfectueux... Ç La sŽcuritŽ
n'est pas
garantie È,explique l'h™pital... En mars, la sociŽtŽ de
construction
du groupement baptisŽ Ç HŽveil È rŽclamait 100 millions
d'euros ˆ
l'Etat pour compenser les pertes accusŽes lors de la
construction :
en cours de route, la possibilitŽ d'installer une unitŽ
pŽnitentiaire
a ŽtŽ envisagŽe puis abandonnŽe, paralysant une partie
du
chantier cinquante jours durant. Le b‰timent a pourtant ŽtŽ livrŽ ˆ
temps. La
collectivitŽ paie aujourd'hui le loyer d'un b‰timent vide,
41 millions
d'euros par an, dont elle n'a pas les moyens. Le prŽsident
du
conseil de surveillance de l'h™pital envisage une Ç sortie È du
PPP,
notamment en ce qui concerne l'exploitation de l'Žtablissement.
SignŽ en
2006, peu de temps aprs la publication de l'ordonnance
autorisant
une collectivitŽ ou l'Etat ˆ confier ˆ un groupement privŽ
le
financement, la construction et l'exploitation d'un Žquipement de
service
public, le contrat du CHRSF en a sans doute essuyŽ les
pl‰tres.
Le dŽbat n'est toujours pas tranchŽ sept ans plus tard entre
ceux qui
considrent que la puissance publique doit encadrer la
conception
et la construction des b‰timents qu'elle possŽdera et
occupera,
et ceux qui pensent qu'il vaut mieux confier cette t‰che ˆ
des
spŽcialistes, rŽputŽs experts chacun dans leur domaine : des
banques investisseurs,
des sociŽtŽs de BTP et des sociŽtŽs de gestion.
Ç C'est
justement le problme, on choisit un package imposŽ,dit RŽgis
Rioton,
membre du Conseil national de l'Ordre des architectes, et non
pas le
meilleur dans sa catŽgorie. È Ç Le PPP oscille entre l'espoir
d'un
Žquipement construit plus vite et mieux entretenu, et la
probabilitŽ
d'un cožt financier et fiscal souvent plus lourd
È,explique
Michel Klopfer, expert en finances locales.
DŽrapages
de cožts
Depuis
l'arrtŽ du 16 dŽcembre 2010, en tout cas, la critique qui
visait la
sincŽritŽ budgŽtaire ne tient plus. Les loyers payŽs pour
l'usage
du b‰timent ou du service sont assimilŽs ˆ une dette de la
collectivitŽ,
ce qui n'Žtait pas le cas jusqu'alors. Ç Ces motivations
plus ou
moins occultes de dŽbudgŽtisation se sont retrouvŽes dans les
six
premires annŽes du PPP È,note Michel Klopfer. Difficile de dire
si la
nouvelle donne freinera le nombre de projets. Le choix du PPP
devrait
en tout cas se faire pour de bonnes raisons : complexitŽ,
urgence ou
avantage Žconomique comme prŽvu ds l'origine. Ç Il s'agit
de
notions subjectives. Dans une ville o il y a trois fonctionnaires,
la
construction d'une piscine est un sujet complexe. Des services
techniques
ou une ma”trise d'ouvrage efficace pourraient se charger de
ces
chantiers, mais quand il n'y en a pas ? È,interroge Christian
Germa,
directeur des partenariats public-privŽ chez Vinci Construction
France,
qui multiplie les projets de toute taille : lycŽe, Ehpad,
parking,
thŽ‰tre...
Autre
dŽfaut montrŽ du doigt : le cožt. Le loyer envisagŽ par la
DŽfense,
avant la signature du contrat de Balard le 31 mai dernier,
Žtait
d'un peu plus de 100 millions d'euros. Il atteindra finalement
quelque
130 millions, soit l'Žquivalent du montant actuel payŽ par le
ministre
pour se loger sur 14 sites alors que la surface occupŽe
devrait
diminuer de 200.000 mtres carrŽs. De mme, lorsqu'une
collectivitŽ
emprunte directement ˆ une banque, les intŽrts de la
dette ne
sont pas soumis ˆ la TVA. Mais, dans le cadre d'un PPP, ils
supportent
un taux de 19,6 %. Au moins, le prix fixŽ dans le contrat
est-il
figŽ, contrairement ˆ la ma”trise d'ouvrage publique rŽputŽe
pour ses
dŽrives. Ç C'est un jeu de dupes entre ma”tres d'ouvrage
publics
et architectes, les premiers sous-estiment le cožt rŽel, les
seconds
rŽpondent au prix en sachant qu'ils ne le tiendront pas, la
facture
finale est plus ŽlevŽe, dit RŽgis Rioton, les PPP pourraient
avoir
comme effet de rendre la commande publique plus rigoureuse. È
MarchŽ
fermŽ
Les
architectes ont en revanche cessŽ de critiquer la mŽdiocritŽ de la
conception
des projets en PPP. Et pour cause : dans les compŽtitions
successives
organisŽes pour les grands projets, chaque groupement doit
prŽsenter
trois projets et consulte les plus grandes agences qui
finissent
toutes par Ç y aller È. Ainsi, pour la construction du
tribunal
de grande instance de Paris -une tour de 200 mtres -sont
encore en
lice Bouygues avec Renzo Piano contre Vinci et Marc Mimram.
Pour le
zoo de Vincennes, c'est moins clair. Alors que le groupement
Bouygues - CrŽdit
Foncier - Bernard Tschumi est constituŽ et attend
son
permis de construire, Ç la commission des sites a relevŽ une
grande
faiblesse architecturale, mais le projet suit son cours È,avoue
un proche
du dossier. Enfin, dernier argument contre les PPP : le
dŽfaut de
concurrence n'est en effet gure contestable, mme si Vinci
affirme
avoir face ˆ lui des entreprises comme Leon Grosse ou Rabot
Dutilleul.
Dans les faits, seules les trois majors s'affrontent sur
les trs
grands projets, et encore le groupe Eiffage a-t-il jetŽ
l'Žponge
avant le dŽbut du dialogue compŽtitif du TGI de Paris. Trop
longs et
trop chers, surtout pour celui qui perd, pense Yves Gabriel,
le PDG de
Bouygues Construction.
Entre des
b‰timents construits en loi MOP et des chantiers en
partenariat
public-privŽ (PPP), il n'y a pas photo. C'est l'avis de
Franois
Montarras, vice-prŽsident de l'UniversitŽ Paris-Diderot
chargŽ
des projets et amŽnagements immobiliers. Il dŽnonce en vrac les
portes
coupe-feu dont il faut changer les moteurs, des fentres qui
tombent
de b‰timents livrŽs il y a moins de cinq ans ˆ Paris-VII.
Pourtant,
cet architecte, Ç homme dŽterminŽ de l'annŽe È rŽcompensŽ
aux
assises 2009 des PPP, ne dissimule pas les dŽfauts que peuvent
receler
ces contrats de partenariats public-privŽ. Depuis l'arrivŽe de
l'universitŽ
sur le site de Paris-Rive gauche, six b‰timents ont ŽtŽ
construits
de manire classique, quatre sont en cours d'Ždification
selon un
contrat signŽ avec le groupe Vinci. Ç Je me suis aperu que
tout
n'Žtait pas possible,explique-t-il. En deux ans, depuis la
signature
du contrat, les serveurs informatiques ont tellement ŽvoluŽ
qu'il
nous faut adapter les locaux pour les refroidir et modifier les
circuits
d'alimentation Žlectrique. Je sais dŽsormais que les
laboratoires
utilisŽs par les sciences vivantes ne doivent pas tre
intŽgrŽs
aux PPP. ÈCožt total cette fois-ci, de 1,5 ˆ 2 millions
d'euros.
Alain Verret, le directeur du Centre hospitalier rŽgional
sud-francilien
est du mme avis : Ç Les Žvolutions techniques sont si
rapides
que les contrats devraient les anticiper, cela me semble
difficile. ÈCe
n'est gŽnŽralement pas le cas.
Ma”trise
des risques
Autre
Žcueil, l'Žtendue des services : ˆ Paris-VII, le nettoyage des
b‰timents
taguŽs n'est par exemple pas du ressort du privŽ. Ç Imaginez
qu'une
manifestation se dŽclenche parce qu'on efface des tags ou des
slogans,
que peut faire l'exploitant ? Rien. A moins d'tre couvert
par des assurances
si cožteuses que l'externalisation n'est plus
rentable. ÈLe
risque politique pour une universitŽ devient mŽdical
dans un
h™pital : en cas d'infection nosocomiale fatale ˆ un patient,
qui est
responsable ?
FigŽs,
les contrats le sont aussi par prŽcaution. Ç Les banques
tentent
tellement d'Žvacuer les risques qu'elles vont finir par tuer
le
systme È, pense un bon connaisseur du secteur. Elles ne sont pas
les
seules : ˆ Paris-VII, un avenant au contrat stipule par exemple
que les
dŽpenses supplŽmentaires liŽes ˆ un ŽvŽnement clef (en
l'occurrence
des recours contre les permis de construire de 2 des 4
b‰timents)
seront ˆ la charge de l'universitŽ au-delˆ de 500.000
euros.
Autrement dit, alors que le groupement supervise la conception
et la
construction des b‰timents, il reporte sa responsabilitŽ sur son
partenaire
public en cas de gros pŽpin.
C. S.